Ce n’est pas un corps qu’il cherche.
C’est une promesse. Une tension. Une faille.

Le fétiche n’est pas un objet.
C’est une onde, un frisson sous la peau.
Il ne touche pas. Il devine. Il imagine. Il prolonge le désir au bord du souffle.

Quand le regard s’attarde, le cœur chavire.
Ce n’est pas une perversion. C’est une passion. Silencieuse. Impérieuse.

Une robe de soie effleurée, et c’est une première amante qui revient — son absence palpite encore entre les fibres.
Un verre de Beaumes-de-Venise sur la langue, et tout un rite resurgit. La douceur du vin. Le poids d’un regard. L’apprentissage.
Le bruit sec d’un zip. Il résonne quelque part dans une chambre obscure sur des bottes hautes. Mon ventre se serre déjà.

Le fétiche,
c’est cette zone trouble,
cet espace suspendu où tout bascule. Il y a des désirs qu’on ne choisit pas. Ils naissent comme des éclairs.
Un gant noir. Un talon qui résonne. Une voix basse qui murmure à l’oreille. Et soudain, plus rien ne compte que cette sensation, brute, urgente, précise.

Ce n’est pas un simple goût.
C’est une cartographie intime du trouble.
Une façon de vivre, de vibrer, de vouloir jusqu’à perdre pied.

L’objet n’est qu’un déclencheur. Une clef.
Il ouvre une porte secrète : celle de l’émotion pure.
On dit que le fétichiste ne désire qu’un détail ?
Faux.
Il voit le tout à travers cette lentille,
ce filtre brûlant qui sublime le réel, qui le magnifie.

Il ne rejette pas le corps. Il le réinvente.
Il le rêve. Il l’enveloppe d’anticipation.
Il le charge de tension, de silence, d’attente.

Dans certains souvenirs d’enfance, tout commence.
Un col serré. Une main gantée. Une odeur de cuir et de mystère.
Et cette émotion-là, cette première secousse, grave le cœur à jamais.
Plus tard, ce même détail revient. Et tout recommence. Plus fort. Plus vrai.

Ce n’est pas le sexe qui attire. C’est l’avant.
Le battement juste avant le contact.
L’instant tendu. La scène imaginée mille fois.
Le fétichiste ne veut pas dominer. Ni céder.
Il veut qu’on le touche… sans un mot. Qu’on l’atteigne là où personne ne va jamais.
Par une boucle de ceinture. Par un soupir.

Les psys parlent de peur, de compensation, d’angoisse.
Peut-être.
Mais pourquoi vouloir réparer ce qui palpite si fort ?
Pourquoi guérir ce qui fait jouir autrement ?

Certains aiment les caresses tendres.
D’autres aiment les collants noirs.
L’important, c’est le vertige.

Le fétiche est une déclaration sans parole.
Une façon aiguë d’aimer. Avec précision. Avec intensité.
C’est dire : je te veux… là. Exactement là. Là où tu ne sais même pas que tu existes.

Elle portait ce parfum. Musc. Cuir chaud.
Infime. Persistant.
Chaque molécule ouvrait une porte en moi. Une faille. Une évidence.

Aujourd’hui, le parfum n’est plus là.
Mais la mémoire, elle, me saisit encore. Brutale.
Je frémis. Pas de peur.
De vérité. De désir. D’abandon.

C’était la première fois que j’ai dit oui… sans parler.
Et ce oui, je le ressens encore.
À chaque fois que quelque chose en moi se tend.
À chaque fois que je me rappelle :
le fétiche n’est pas un choix.
C’est un appel.